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L'ORE ou comment soumettre les chômeurs à la (dé)raison...

 
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Nico37
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MessagePosté le: Mer Juil 30, 2008 12:13 pm    Sujet du message: L'ORE ou comment soumettre les chômeurs à la (dé)raison... Répondre en citant

http://www.mouvements.info/spip.php?article313

L’offre raisonnable d’emploi, ou comment soumettre les chômeurs à la
(dé)raison libérale

Par Pierre Concialdi

FABRIQUE DES IDEES. L’Assemblée vient d’adopter, en première lecture, et à quelques amendements près, le projet « relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi ». Décryptage d’un nouveau pas en avant dans la stigmatisation des chômeurs par l’économiste Pierre Concialdi.

Juillet 2008.

Dans la seconde moitié des années 1980 s’affichait sur les murs de Paris ce slogan publicitaire signé par une compagnie d’aviation étrangère : «Aujourd’hui, le vol est devenu une composante essentielle des affaires». Ou encore : « Jamais le rapport entre le vol et les affaires n’aura été aussi évident ». Dans ces affiches s’étalait tout le cynisme des années 1980, ces années fric où l’entrepreneur (ça fait plus chic et moins ringard que patron) était devenu le héros de ces temps supposés modernes.

Depuis la « chute du mur de Berlin » et le basculement idéologique qui
l’a accompagné, ce cynisme a franchi de nouvelles étapes. Après la
glorification des riches, ce fut la stigmatisation de plus en plus forte
des pauvres. Avec en première ligne celles et ceux qui sont,
psychologiquement et matériellement, les plus démunis, à savoir les
chômeurs. Le texte du gouvernement sur « l’offre raisonnable d’emploi » (ORE) constitue le dernier avatar de cette politique. L’Assemblée
nationale a voté, en première lecture, le projet de loi « relatif aux
droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi ».

Ce texte ne marque guère de rupture avec les discours qui ont dominé,
au-delà des alternances politiques, depuis une quinzaine d’années. Dès
1990, Michel Charasse n’hésitait pas à parler de 700 000 « faux chômeurs ». À peine arrivé au gouvernement, en septembre 1995, Alain Juppé avait relancé la chasse aux « tricheurs » en créant une mission parlementaire chargée de rechercher les prétendus abus perpétrés par les allocataires des différentes prestations du système de protection sociale. Puis on a assisté à une avalanche de rapports et d’études officielles sur le thème de la « désincitation au travail », autrement dit la version technocratique du « chômage volontaire » selon laquelle les travailleurs resteraient au chômage faute d’incitation financière au retour à l’emploi. Bref, l’idée que le chômage relèverait davantage de la
responsabilité individuelle des chômeurs qu’il ne serait subi par eux a
reçu un écho de plus en plus large.

Nicolas Sarkozy s’est inscrit de façon résolue dans la continuité de
cette politique. Dès septembre 2007, dans son discours devant les
journalistes de l’AJIS (Association des journalistes d’information
sociale), il avait évoqué la nécessité d’interrompre l’indemnisation
pour les chômeurs qui refusent « des offres valables d’emploi ou de
formation qui lui sont proposées ». De l’offre valable d’emploi, on est
aujourd’hui passé à l’offre raisonnable d’emploi. Mais l’objectif est
resté le même : durcir le contrôle et les sanctions concernant les
chômeurs. Car il ne s’agit pas de donner corps à une idée de bon sens
selon laquelle il est normal que les chômeurs aient des devoirs en
contrepartie de leurs droits. Pour la simple raison que…c’est déjà le
cas : des sanctions sont prévues pour les chômeurs qui ne recherchent
pas activement un emploi ou qui ne saisissent pas les offres d’emploi
qui leur sont communiquées. La gamme de ces sanctions a même été élargie avec le décret d’août 2005 qui avait introduit certaines modifications dans les critères de l’emploi « acceptable ».

Bref, jamais les chômeurs n’ont été « libres » de chômer tout en
refusant les offres qu’on leur proposait. En laissant croire que ce
serait le cas, le gouvernement cherche en réalité à imposer
autoritairement un durcissement de ces critères afin de pousser les
chômeurs et, plus généralement, l’ensemble des travailleurs à abaisser
leurs prétentions salariales. Il s’agit de soumettre les salariés à la
raison libérale c’est-à-dire, en résumé, à l’idée selon laquelle la
course au moins-disant salarial serait le seul moyen de lutter contre le
chômage. Avec l’idée qu’il existerait un chômage volontaire, le
gouvernement tente de justifier cette politique aux yeux de l’opinion
publique. Mais cette idée ne résiste pas à une analyse un peu précise ;
elle relève en fait du mythe.

Le mythe du chômage volontaire

Selon le gouvernement, le projet de loi sur l’ORE « participe à la
volonté du gouvernement de réduire, d’ici à 2012, le taux de chômage à
5% [1]] ». Tout le monde comprend en effet que si l’on élimine les
prétendus « faux chômeurs » des statistiques, le chômage devrait
effectivement baisser. Toute la question est de savoir quelle est la
proportion de chômeurs concernés. S’il est élevé, il s’agit d’une
réalité tangible du marché de l’emploi. S’il est marginal, on peut
s’interroger sur la légitimité du texte et la nécessité de stigmatiser
l’ensemble des chômeurs au motif (inépuisable) de lutter contre la
fraude. Car dès qu’il existe une règle, on peut être certain que des
personnes chercheront à la contourner : c’est vrai des chômeurs comme
des patrons ou de toute autre catégorie de la population.

Pressé par un journaliste de répondre à cette question, le secrétaire
d’État à l’Emploi Laurent Wauquiez a fini par lâcher le chiffre de 5%
des chômeurs [2]. Soit une infime minorité de chômeurs. Et pourtant la
réalité est encore bien au-dessous de ce chiffre. Selon une récente
étude de la DARES, seulement 2% des chômeurs déclarent ne pas souhaiter travailler à l’avenir, essentiellement pour des raisons de santé [3].

Cette politique ne pourra donc pas, et de loin, résorber le chômage.
D’autant qu’elle ne permettra pas de créer un seul emploi et de donner,
donc, davantage d’emplois aux « vrais » chômeurs. Pour le dire
autrement, les prétendus « faux chômeurs » ont l’élégance de laisser les emplois disponibles aux « vrais chômeurs » [4]. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’une infime fraction des chômeurs ne prend pas
quelques emplois que ces derniers restent vacants, contrairement à ce
qu’avait soutenu Nicolas Sarkozy au cours de son intervention télévisée
du 24 avril dernier.

« Il y a 500 000 offres d’emploi pas satisfaites avec 1,9 million de
chômeurs, l’immense majorité des chômeurs essayent de trouver un emploi,
mais certains ne veulent pas se mettre au travail, c’est une minorité
qui choque », avait ainsi déclaré le Président de la république. On a
là, en effet, des chiffres chocs qui laissent entendre que plus du quart
(500 000 sur 1,9 million) des chômeurs ne voudraient pas travailler. Le
problème est que cette conclusion est erronée pour deux raisons.
D’abord, elle résulte d’une grossière erreur de raisonnement. Plus
précisément, il y a là une contradiction logique. Car si l’immense
majorité des chômeurs (donc plus d’un million, au moins) essayent de
trouver un emploi, on ne voit pas pourquoi 500 000 offres d’emploi
resteraient « non satisfaites » seulement du fait de l’existence de la
minorité de ceux qui « ne veulent pas se mettre au travail ». Cela
voudrait dire que ces offres d’emplois en attente seraient uniquement
destinées, en quelque sorte, aux chômeurs… qui ne voudraient pas
travailler. Ce raisonnement ne tient pas debout. Dans cette logique,
aussi longtemps que le stock des offres « non satisfaites » reste
inférieur à celui de la majorité des chômeurs (ceux « qui essayent de
trouver un emploi »), il ne devrait tout simplement pas y avoir d’offres
« non satisfaites ».

Ensuite, en rapprochant les 500 000 offres d’emploi prétendument « non satisfaites » et le chiffre de 1,9 million de « chômeurs », on procède à une comparaison grossièrement biaisée. Le chiffre de 1,9 million ne correspond pas au nombre de chômeurs (au sens du BIT) mais au nombre de demandeurs d’emploi de catégorie 1 inscrits en métropole [5]. Tous ces demandeurs d’emploi ne sont pas nécessairement des chômeurs, en particulier parce qu’une proportion non négligeable travaille chaque mois (environ 16% fin 2007). Le point commun de ces demandeurs d’emploi de catégorie 1 est de rechercher un emploi à temps complet à durée indéterminée. Or parmi les offres déposées à l’ANPE, seule une minorité correspond à ces critères. La plupart des offres portent sur des emplois temporaires ou occasionnels. En toute rigueur, il faudrait donc comparer le total des offres d’emplois au volume total des demandes. On obtient alors un rapport de 1 à 10 (et non de 1 à 4) qui traduit mieux l’ampleur des difficultés d’emploi que connaissent les salariés.

En fait, l’existence d’offres d’emploi non satisfaites traduit une toute
autre réalité qui n’a aucun rapport avec le comportement d’une minorité
de chômeurs. À tout moment, en effet, il existe un stock d’offres
d’emploi en attente d’être satisfaites, tout simplement en raison du
délai nécessaire aux entreprises pour embaucher des salariés sur ces
emplois [6]. D’après les statistiques de l’ANPE, plus de 3,7 millions
d’offres d’emploi ont été déposées par les entreprises en 2007 et le
stock moyen d’offres a été d’environ 300 000 [7]. Ce qui traduit le fait
qu’il a fallu, en moyenne, un peu plus d’un mois pour satisfaire une
offre d’emploi. On pourrait bien sûr essayer de réduire encore davantage ce délai. Cela diminuerait le stock moyen d’offres disponibles…mais cela ne créerait pas davantage d’opportunités d’emplois pour les demandeurs inscrits à l’ANPE.
D’autres indicateurs montrent que le volume d’emplois vacants est très
faible en France. D’après une étude de l’Unedic reprenant un constat
établi par l’OCDE sur la base des enquêtes périodiquement réalisées par le ministère du travail, la France se situe parmi les pays où le taux
d’emplois non pourvus (0,6%) représente une proportion très faible
(moins de 7%) du nombre de chômeurs.

Enfin, faut-il rappeler que la notion de chômage volontaire n’a guère de
sens pour la majorité des demandeurs d’emploi… qui sont privés
d’indemnisation du chômage. Et pourtant, ces demandeurs d’emploi restent inscrits sur les listes de l’ANPE, malgré les contrôles et les pressions de plus en plus fortes dont ils sont l’objet [8]]. Ce qui est bien le signe de leur volonté de travailler.
La raison libérale : toujours plus de précarité, toujours moins de salaire

L’inconsistance des arguments avancés par le gouvernement pour justifier son projet révèle un décalage qui permet légitimement de qualifier ce discours d’idéologique, au sens commun du terme, à savoir un discours déconnecté de la réalité. D’autres constats le confirment.

Ainsi, contrairement à l’idée selon laquelle les chômeurs ne voudraient
pas travailler, de plus en plus de demandeurs d’emploi travaillent
chaque mois. Avec le délitement de l’indemnisation du chômage, une
nouvelle figure est ainsi apparue, celle du « chômeur-travailleur ».
Aujourd’hui, parmi les demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE, plus du
tiers travaille chaque mois ; cette proportion était de 5% en 1992 [9].
Bref, les chômeurs travaillent de plus en plus, signe du développement
de la précarité et du brouillage des frontières entre emploi et chômage.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’est plus possible de s’en
tenir à un indicateur unique pour appréhender les questions d’emploi.
Chômage, sous-emploi et emploi inadéquat : d’après le chiffrage du
collectif ACDC (Autres chiffres du chômage), ces problèmes concernent aujourd’hui plus de 11 millions de travailleurs. On peut discuter la précision du chiffre. Mais, personne ne peut récuser le fait que ces indicateurs désignent une réalité massive.

Une politique de plein-emploi doit nécessairement prendre en compte
cette réalité et s’affranchir de cette vision binaire et archaïque du
marché du travail où il y aurait, d’un côté, le « mauvais chômage » et,
de l’autre, le « bon emploi ». Ce qui implique de ne pas réduire la
politique de l’emploi à une vision purement quantitative.
Pourtant, c’est le même discours libéral qui, d’un côté, dénonce une
vision de l’emploi qualifiée de malthusienne pour disqualifier la
politique de réduction du temps de travail et, de l’autre, propose aux
salariés une forme de partage du chômage en multipliant les petits
boulots, comme l’indique la hausse massive du sous-emploi observée en
2007. Depuis, l’INSEE a opportunément changé la définition du
sous-emploi, ce qui s’est mécaniquement traduit par une baisse du taux
de sous-emploi de plus d’un point entre fin 2007 et début 2008. Plus de
300 000 personnes ont ainsi été brutalement sorties du sous-emploi.

À cette insécurité d’emploi, s’ajoute avec l’offre raisonnable d’emploi
un mécanisme de laminage des salaires. La baisse du salaire pourrait
être de 5% après 3 mois et de 15% après 6 mois. Au bout d’un an, les
chômeurs devront accepter tout emploi rémunéré « à hauteur du revenu de remplacement », s’ils en perçoivent un. À ces premiers critères s’ajoute le fait qu’après six mois de chômage, le demandeur d’emploi ne pourra pas refuser une offre d’emploi entraînant un temps de trajet, en
transport en commun, égal ou inférieur à une heure ou située à moins de
30 km de son domicile. Il s’agit donc de pousser les chômeurs à prendre
n’importe quel emploi, de façon à faire pression sur le marché du
travail pour abaisser encore davantage les normes d’emploi et le niveau
des salaires. Car il n’y a pas d’un côté un stock de chômeurs sans
emploi et, de l’autre, des salariés en emploi, mais des alternances de
plus en plus fréquentes entre chômage, sous-emploi et petits boulots
précaires [10]. Chaque année, environ deux salariés sur cinq
s’inscrivent comme demandeurs d’emploi à l’ANPE et sur une période plus longue cette proportion est évidemment plus forte. Si le passage par le chômage devait s’accompagner d’une baisse quasi-mécanique de salaire, il y a là un mécanisme tout à fait dévastateur pour l’ensemble des salariés.

Il est probable que la pression accrue qui s’exercera sur les demandeurs d’emploi les dissuadera encore davantage d’aller s’inscrire à l’ANPE, ou auprès du nouvel organisme fusionné ANPE-UNEDIC. C’est d’ailleurs ce que l’on a déjà commencé à observer depuis quelques années : selon les enquêtes Emploi, une proportion croissante de chômeurs (au sens du BIT) ne s’inscrit pas à l’ANPE [11]. La fuite devant un service public de l’emploi qui pourrait apparaître comme de moins en moins public, à la suite de la fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC, pourrait aussi s’accentuer, avec des conséquences possibles sur les statistiques des demandeurs d’emploi et du chômage.

Au bout du compte, le projet du gouvernement est tout à fait cohérent
avec une logique libérale somme toute assez simpliste selon laquelle le
chômage serait essentiellement la cause d’un coût de la main-d’œuvre
trop élevé. Cette idée a beau avoir été contredite par les évaluations
des dispositifs d’exonération de cotisations sociales sur les bas
salaires, le gouvernement organise avec l’ORE un nouvel affaissement des salaires. Poussée à son terme, cette logique est imparable pour faire disparaître le chômage : s’il n’y avait que des esclaves il n’y aurait, en effet, plus de chômeurs.
_________________
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